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Dette publique: La gauche gère-elle vraiment mieux?

S'il est une idée, en politique, profondément ancrée dans les esprits, c'est bien celle que la gauche serait beaucoup plus dépensière que la droite et donc moins bonne gestionnaire des deniers publics.  Ce préjugé est combattu avec le plus grand acharnement par la gauche. Passe encore de passer pour angélique face à l’insécurité, mais manquer de crédibilité dans le domaine budgétaire alors que la crise de la dette en Europe perdure, c'est l'équivalent d'un suicide électoral collectif pour le PS et ses alliés.
Alors des dizaines de petits soldats se sont mobilisés, du centre gauche à l’extrême gauche, pour nous répéter à l'envie ce message: La gauche gère mieux les finances de l'Etat que la droite.



Leurs armes; des tableaux et des graphiques puisés aux meilleures sources (Insee et Eurostat). Leurs terrains; Internet et la presse de gauche ou de centre-gauche. Leurs contradicteurs; heu!..personne, comme si même la droite avait abdiqué sur ce sujet. Et pourtant, en faisant une analyse détaillée des chiffres officiels et  avec un peu de bon sens, leurs affirmations enthousiastes et péremptoires sont loin d'être corroborées.

Petites manipulations et grosses ficelles
 
"Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire" disait Alfred Sauvy. Nos blogueurs et nos journalistes ont bien retenu la leçon et l'applique de manière consciencieuse.Voici donc la méthode décortiquée:

D'abord rogner l'échantillon pour faire disparaitre les chiffres qui ne vont pas dans le sens de l'objectif recherché. Puisque la droite obtient d’excellents résultats sur la maitrise de la dette publique de 1978 à 1981, il suffit de ne pas tenir compte des années Barre et de faire démarrer le graphique en 1981! Par contre ne surtout pas oublier la dernière année de Sarkozy et son très fort déficit même si les chiffres ne sont que provisoires.

Ensuite ne tenir compte du contexte économique général que si cela défavorise vos adversaires ou décharge vos poulains de la paternité de mauvais résultats. Donc silence sur la situation économique mondiale très florissante entre 1996 et 2001, dont a bénéficié Lionel Jospin et sur la pire crise économique depuis 1929 (je déteste cette expression reprise en boucle!) qu'a subi Nicolas Sarkozy et son Premier ministre Fillon.
   
Puis attribuer la responsabilité de la dette d'une année budgétaire sur celui qui l'a voté sans tenir compte de l'effet de la force d'inertie des décisions politiques. Quand en l'an 2000 la gauche lance les 35 heures, elle ne subira le coût budgétaire de cette mesure qu'à peine plus d'un an car en 2002 elle perdra les élections. La droite devra gérer cette mesure non-financée et donc les déficit induis pendant 10 ans. C'est ce qu'on appelle la politique de la caisse vide!

Mais le super coup de bonneteau est de ne pas contextualiser l'évolution de la dette. Pas de comparaison avec d'autres pays, en particulier ceux de l'UE ou de la zone euro, alors que des statistiques fiables et détaillées sont disponibles sur le site d'Eurostat. Pas de référence aux dettes publiques des collectivités locales, en forte croissance, dirigées majoritairement par la gauche, même si leur poids est tout relatif (tout juste 10% du total de la dette publique en 2011).

Une réalité nuancée

De 1978 à 2011, la dette publique de l'Etat français est passée de 21,20 à 86 % du PIB. La dette s'est creusée de 43,40 points de PIB pendant les 975 semaines où la droite a été au pouvoir contre seulement 21,40 points les 764 semaines pour la gauche. Le constat est en apparence sans appel. Chaque mois avec la droite au pouvoir coûte 2,32 point de PIB en dette supplémentaire contre seulement 1,46 point de PIB pour la gauche. En apparence seulement...



Quand on compare l'évolution de la dette en France avec celle de l'ensemble de ses partenaires de la zone euro (chiffres disponibles sur Eurostat depuis 1995), on remarque que globalement Bercy enregistre de beaucoup plus mauvais résultats que ses petits copains quelque soit la couleur politique du gouvernement en place, y compris sous L. Jospin même si il semble faire mieux que ceux qui le précédent et ceux qui lui succèdent. La dette relative à la zone euro n'a baissé qu'à deux reprises; en 2006 avec De Villepin et en 2010 sous fillon.

Peut-on dire que Jospin a fait mieux ou moins pire? En fait il n'a pas fait mieux mais on lui a fait faire mieux. Qui donc s'est chargé de dicter au gouvernement de la France sa politique? Tout simplement les fameux critères de Maastricht qui barraient la route du "Saint Graal" de l'époque, l'Euro, aux pays dont la dette publique dépassaient 60% du PIB.  En 1997, année de son arrivée à Matignon, avec 59,5% du PIB la dette de la France ne laissait plus aucune marge de manœuvre à la hausse. Pour rester dans les cordes L. Jospin a dû manger son chapeau et devenir le chef de gouvernement qui aura le plus privatisé d'entreprises publiques (environ 31 milliards d'euros de recettes selon le blog Les décodeurs). Un héros malgré lui!

La gauche ne craint ne pas ridicule, la droite la contradiction

La dette publique n'est que la partie immergée d'une politique économique. Si l'équilibre budgétaire s'obtient au prix d'une fiscalité pénalisante pour les plus entreprenants avec pour conséquence de les faire fuir ou de les décourager à entreprendre, c'est toute la société qui en souffre (chômage, salaire, croissance, etc.).
La droite n'est pas non plus exempt de tout reproche. Le principale étant la non compatibilité de son aversion pour les hausses d’impôts et de sa pusillanimité pour s'attaquer sérieusement aux dépenses de l'Etat.
Comme le faisait remarquer Pierre Bourdieu avec justesse, la différence entre la gauche et la droite n'est pas que l'une dépense plus que l'autre mais qu'elles dépensent différemment. La première préfère le social alors que l'autre choie le répressif.
Le manque de maitrise de la dette n'est pas un problème de droite ou de gauche, c'est un problème  du monde occidental.

4 commentaires:

  1. Encore un joli article, bien ficelé -- quoique portant ce que je pense être une petite coquille : « La gauche ne craint ne pas ridicule la droite la contradiction » en lieu et place, je présume, de : «La gauche ne craint pas le ridicule, la droite la contradiction».

    Cependant, pour ce qui est du fond je me permettrais tout de même une remarque : l'allusion à l'éviction du taux d'investissement par l'impôt, qui reste largement hypothétique, bien que scandée par nombre de médias et de politiques. Surtout lorsqu'on se penche sur les évolutions de l'EBE et du taux d'investissement, entre lesquels il ne semble pas y avoir de corrélation, encore moins de causalité (
    1951 30,5 23,5
    1983 23,8 18,1
    1989 32,0 19,4
    1990 31,3 20,0
    1991 30,9 20,1
    1992 30,8 18,8
    1993 30,0 17,2
    1994 30,1 17,0
    1995 30,8 16,7
    1996 29,8 16,9
    1997 30,5 16,3
    1998 31,7 16,9
    1999 30,7 18,0
    2000 30,7 18,9
    2001 30,8 19,0
    ... La série entière est disponible sur le site de l'insee.)
    Il semble, au contraire, que le taux d'investissement dépende non pas d'une politique plus ou moins complaisante mais largement de la conjecture -- pourrait on même aller jusqu'à dire que la De keynésienne est plus pertinente ? Non, de nos jours c'est de mauvais goût...
    Énoncer cela comme une vérité absolue ( « pénalisante pour les plus entreprenants avec pour conséquence de les faire fuir ou de les décourager à entreprendre » ) me semble donc assez peu juste...

    Je précise que ce commentaire n'a rien de partisan et que je trouve le reste de votre critique tout à fait pertinente.
    Au plaisir de vous lire.

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  2. Bonjour et merci de m'avoir signalé cette coquille.

    En fait je ne faisait pas allusion à "l'éviction du taux d'investissement par l'impôt" mais plutôt à la fuite des créateurs de richesse ou de détenteurs de richesse quand l'impôt augmente. Il n'y a qu'à voir l'affaire Arnaud ou le nombre de célébrités françaises vivant sur les bord du Léman .

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  3. Certes,sur ce point on a des exemples indéniables. C'était le «décourager à entreprendre»qui me chagrinait. Pour ce qui est de l'évasion fiscale, je ne peux qu'être d'accord. Même s'il en ressort qu'au final, la hausse des impôts est un curseur tout aussi difficile à manier que la baisse des dépenses. Le tout étant de trouver le rendement optimal entre ce que rapporte ceux qui restent par rapport à ceux qui partent, ce que rapporte le gain en compétitivité prix face aux pertes en compétitivité hors prix et en demande intérieure ...
    De droite ou de gauche, ils n'ont pas fini de se louper. Mieux vaut devenir dévot que partisan.

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  4. "Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire"

    Vous ne vous en êtes peut être peut être pas rendu compte, mais c'est exactement ce que vous faites de cet article, en voulant à tout prix prouver que la gauche dépense plus que la droite vous ne prenez ici l'exemple que de quelques chiffres sans prendre en compte l'intégralité du problème, ce qui, avouons le, ne serait pas possible à faire en seulement un article sur un blog.

    PS : Les 35H ont permit de créer 350 000 emplois celons l'INSEE (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&id=1426), ce qui correspond à 4 milliards d'euros de rentrée de cotisations sociales supplémentaires, compensant la moitié des allègements fiscaux accordés aux entreprises en échange du maintien des salaires.

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